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La troisième période d'exploitation du LHC, à une énergie record, démarre demain

Le Grand collisionneur de hadrons est prêt à recommencer à produire des collisions de protons pour les expériences, à une énergie inédite de 13,6 TeV : c'est le démarrage de la troisième période d'exploitation pour la physique pour cet accélérateur

3D cut of the LHC dipole
3D cut of the LHC dipole (Image: CERN)

Une nouvelle période d'acquisition de données commence le mardi 5 juillet pour les expériences auprès de l'accélérateur de particules le plus puissant du monde, le Grand collisionneur de hadrons (LHC), après plus de trois ans de travaux d'amélioration et de maintenance. Des faisceaux circulent déjà dans le complexe d’accélérateurs du CERN depuis le mois d'avril, la machine et ses injecteurs étant à nouveau mis en service pour un fonctionnement avec des faisceaux d'intensité plus élevée et à plus haute énergie. Les équipes du LHC sont désormais prêtes à annoncer que la machine produit des faisceaux stables, condition nécessaire pour que les expériences puissent mettre en marche tous leurs sous-systèmes et commencer à recueillir les données qui seront utilisées pour les analyses de physique. Le LHC fonctionnera en continu pendant près de quatre ans à l'énergie de collision record de 13,6 milliers de milliards d’électronvolts (TeV), apportant aux expériences une précision inédite et un potentiel de découverte incomparable.

« Nous allons concentrer les faisceaux de protons aux points d'interaction pour ramener la dimension du faisceau à 10 microns, afin d'accroître le taux de collisions. Par rapport à la première période d'exploitation, où le boson de Higgs a été découvert avec 12 femtobarns inverses, on atteindra 280 femtobarns inverses avec la troisième période d'exploitation1. C'est là un accroissement significatif, qui ouvre la voie à de nouvelles découvertes », souligne Mike Lamont, directeur des accélérateurs et de la technologie.

Les quatre grandes expériences du LHC ont apporté d'importantes améliorations à leurs systèmes de lecture et de sélection des données, avec l’intégration de nouveaux systèmes de détecteurs et d’une nouvelle infrastructure informatique. Par rapport aux périodes d'exploitation précédentes, ces modifications leur permettront de collecter des échantillons de données beaucoup plus grands, avec des données de meilleure qualité. Les détecteurs ATLAS et CMS s'attendent à enregistrer plus de collisions pendant la troisième période d'exploitation du LHC que lors des deux périodes précédentes réunies. L'expérience LHCb a été entièrement remise à niveau et prévoit de multiplier par dix son débit d'acquisition de données, tandis qu'ALICE a pour objectif de multiplier par cinquante le nombre de collisions enregistrées - une hausse considérable.

Grâce à des échantillons de données plus volumineux et à une énergie de collision plus élevée, la troisième période d'exploitation permettra d’étendre encore le programme de physique déjà très diversifié du LHC. Dans les expériences, les équipes étudieront la nature du boson de Higgs avec une précision sans précédent, et dans de nouveaux canaux. Elles pourront observer des processus qui étaient jusqu'à présent inaccessibles, et aussi améliorer la précision des mesures de nombreux processus connus en rapport avec des questions fondamentales, telles que l'origine de l'asymétrie matière-antimatière dans l'Univers. Les scientifiques étudieront les propriétés de la matière à des températures et des densités extrêmes. Ils chercheront également des candidats pour la matière noire et pour d'autres phénomènes nouveaux, soit par des recherches directes, soit de façon indirecte par des mesures précises des propriétés de particules connues.

« Nous attendons avec intérêt des mesures de la désintégration du boson de Higgs en particules de deuxième génération telles que les muons. Ce serait là un résultat entièrement nouveau dans la saga du boson de Higgs. Ce serait la première confirmation que des particules de deuxième génération acquièrent également leur masse par le mécanisme de Higgs », explique Michelangelo Mangano, théoricien au CERN.

« Nous mesurerons l'intensité des interactions du boson de Higgs avec les particules de matière et les particules porteuses de force avec une précision inédite, et nous poursuivrons notre recherche de désintégrations des bosons de Higgs en particules de matière noire ainsi que les recherches de bosons de Higgs supplémentaires, déclare Andreas Hoecker, porte-parole de la collaboration ATLAS. On ne sait pas si le mécanisme de Higgs présent dans la nature est le scénario minimal ne comportant qu'une seule particule de Higgs. »

Un aspect en particulier retiendra l'attention : les études d'une catégorie de processus rares dans lesquels une différence inattendue (asymétrie de saveur leptonique) entre des électrons et des particules apparentées, les muons, a été étudiée par l'expérience LHCb dans les données recueillies dans le cadre des précédentes périodes d'exploitation. « Les données acquises pendant la troisième période d'exploitation avec notre détecteur tout neuf nous permettront d'améliorer la précision d'un facteur deux et de confirmer ou d'exclure d'éventuels écarts par rapport à l'universalité de la saveur leptonique », indique Chris Parkes, porte-parole de la collaboration LHCb. Les théories expliquant les anomalies observées par LHCb prédisent généralement aussi de nouveaux effets dans différents processus. Ceux-ci feront l'objet d'études spécifiques réalisées par ATLAS et CMS. « Cette approche complémentaire est essentielle ; si nous arrivons à confirmer de nouveaux effets de cette façon, cela constituera une découverte majeure pour la physique des particules », souligne Luca Malgeri, porte-parole de la collaboration CMS.

Le prochain programme de collisions d'ions lourds permettra d'étudier avec une précision inégalée le plasma de quarks et de gluons (PQG), l’état de la matière qui prévalait dans les dix premières microsecondes après le Big Bang. « Nous allons passer à une nouvelle phase : précédemment, nous avions observé de nombreuses propriétés intéressantes du plasma de quarks et de gluons ; maintenant, nous allons quantifier précisément ces propriétés et les relier à la dynamique des éléments constitutifs de cet état », explique Luciano Musa, porte-parole de la collaboration ALICE. Outre une campagne principale de collisions plomb-plomb, une brève campagne de collisions avec des ions d’oxygène est prévue, pour la première fois ; il s'agit d'observer l'apparition d'effets de type plasma de quarks et de gluons dans des systèmes de collision de plus petite dimension.

Les plus petites expériences auprès du LHC - TOTEM, LHCf et MoEDAL, avec son tout nouveau sous-détecteur, MAPP, et les plus récentes, FASER et SND@LHC - se préparent à explorer des phénomènes relevant du Modèle standard ou hors Modèle standard, comme par exemple les monopôles magnétiques, ou les neutrinos et les rayons cosmiques.

Une nouvelle « saison » de physique s'annonce, avec un programme scientifique d'envergure et très prometteur. Le lancement de la troisième période d’exploitation du LHC sera retransmis en direct sur les réseaux sociaux du CERN, et via une liaison satellite Eurovision haute qualité, le 5 juillet, à partir de 16 heures. L'événement sera commenté en direct depuis le Centre de contrôle du CERN, dans cinq langues (allemand, anglais, espagnol, français et italien) pour faire découvrir aux spectateurs les différentes étapes de fonctionnement de la machine, depuis l'injection des faisceaux de protons dans le LHC jusqu'aux points de collision où sont situés les détecteurs des expériences. Une session de questions-réponses en direct avec des spécialistes des accélérateurs et des expériences viendra clôturer la retransmission.

Informations complémentaires 

Pour suivre l’événement en direct via EBU, vous devrez vous créer un compte. Vous pourrez ensuite accéder à la liaison satellite ici.

Les photos de la journée seront téléchargeables ici.

Des informations complémentaires sur la troisième période d’exploitation du LHC sont disponibles ici.


1 Le femtobarn inverse est l'unité de mesure de la luminosité, qui correspond au nombre de collisions, ou encore à la quantité de données recueillie. Un femtobarn inverse correspond, au LHC, à environ 100 000 milliards (1014) de collisions proton-proton.